mercredi 24 avril 2013

Enfin

Lâcher
Ne plus rien comprendre
Ne plus rien vouloir
Laisser
Aller
Les eaux souterraines
Se souvenir
Qu'elles ont leur part
De secret
...
Ne pas troubler
L'eau
du fleuve

Ne pas le remuer
Telle avait été
Sa
      faute
                innocente
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Car enfin l'homme s'était perdu - voilà tout
et s'étant perdu avait commis des "mochetés" comme disent les enfants.
N'étant que préoccupé par lui-même, à se trouver.
"Tu te perds"

jeudi 18 avril 2013

Patience

Même si elle était loin de tout cela à présent, le silence glacial en guise de réponse à sa question -tout à fait anodine - provoqua la même humiliation qu'aux premiers jours. 
Il vivait, depuis deux ans, en pays étranger et c'était grâce à elle qu'il était parti.

Elle avait beau savoir que l'intention de celui gardait le silence était dénuée de mépris, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il devait savoir qu'une telle attitude était d'une extrême violence à son égard et qu'il fallait être dénué de sensibilité pour infliger à l'autre une pareille gifle.
Elle la reçut, malgré tout, avec vaillance et décida de ne pas y répondre, ne connaissant pas avec exactitude les circonstances dans lesquelles celle-ci avait été donnée. Sans doute, se dit-elle, encore cette satanée, vieille et absurde paranoïa envers elle...  (elle se rappela de la délirante pensée: "Tu aimes à fouiller l'esprit de l'autre") mais rien ne venait infirmer ou affirmer que ce fût cela, tant que l'autre se dérobait à toute explication.

Oui, elle prit cela avec vaillance, s'interdisant toute colère et rancoeur, prenant encore pour la nième fois sur elle, mais la douleur de se voir ainsi traitée d'une manière si injuste resurgit intacte, comme la première fois. Il lui fallait trouver un sens pour contrer et supporter l'irrationnel encore qui lui arrivait de pleine face et elle ressortit des tiroirs la même vieille histoire, celle à laquelle elle avait eu recours tant de fois (sauf un jour où elle l'ignora délibérément, ne cherchant plus à le justifier): le garçon, fragile, à la mémoire encore attachée au passé, ne supportait aucun rapport de vraie proximité tant celle-ci constituait un écho fatal aux liens anciens.

Celui-ci  réclamait alors une liberté qu'aucun être n'eut jamais connu, une liberté absolue, une existence sans influences d'aucune sorte. Voilà pourquoi toute histoire sincère et profonde vécue par lui se transformait, à chaque fois en une origine qu'il fallait qu'il quittât, l'attachement étant impossible car synonyme d'enchainement et de prison. Peut-être même la profondeur de la relation qu'ils avaient eu, l'écart d'âge l'avait hissée, sans qu'elle y prenne part volontairement, à une place de pouvoir - qu'elle occupait, dans son esprit à lui, toujours. Or s'il avait su le malaise et le dégoût que cela avait été, pour elle, d'être tenue, par lui, pendant ces longues années comme quelqu'un de "supérieur" ("Une amie ? non, tu es trop grande !") et la profonde déception ressentie, elle qui ne rêvait que d'une seule chose: qu'ils soient partenaires, égaux, dans une relation d'amitié fraternelle, s'il l'avait su, il aurait réalisé que tout ceci n'était que projection.

Elle ressortit donc cette vieille histoire et reconvoqua encore une fois la patience. Attendre encore.
Attendre. Donner du temps au temps, le temps que celui-ci vive pleinement et jusqu'au bout ce qu'il avait à vivre, connaisse succès et erreurs. Attendre qu'il fasse, selon ses ropres dires, le tour de sa trajectoire en forme d'ellipse. Attendre surtout qu'il rencontre la bonne personne qui le guide. Lui donner le temps de se construire et se trouver - avec d'autres;  alors, se dit-elle, viendra le jour où il aura acquéri assez de lucidité, de solidité, de courage, de conscience et maturité pour enfin la revoir.
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Et puis aussi, se dit-elle quelques heures plus tard: "je n'ai rien à voir avec tout ceci, après tout, c'est son problème, plus le mien".