mercredi 14 novembre 2012

Conte inachevé

Il était une fois un garçon qui s'était enfui de sa maison. De son père, il n'avait connu que les brimades, jugements et coups. De sa mère, aucun amour ni protection. Il partit rebâtir sa vie et ce, depuis le tout début: rebâtir son enfance.
Il lui fallût une mère qui lui permette de jouer sans aucune limite ni loi, qu'elle soit toute confiance, douceur, protection, amour pour lui afin qu'il retrouve le goût de l'oiseau. Et aussi qu'il se trouvât beau et grand. Il la rencontra et lui donna tout ce qu'il voulait, et même encore plus.
Devenu oiseau, il sentit alors qu'il lui fallait désormais un sol, une colonne vertébrale. Il ressentit limites et frustrations mais il se tut et commença à s'absenter. La nouvelle maison qui avait perdu tout son intérêt, lui sembla tout à coup bien fade, et bientôt, il n'en eut plus besoin. Il se mit à la déconsidérer. Peu à peu, il ne s'essuya plus les pieds avant de passer la porte, ne prit plus la peine de dire bonjour et râla lorsque celle-ci (et les autres) ne lui donnait pas ce qu'il était en mesure et droit d'attendre, lui, devenu si important.
Un matin, il partit, lui déclarant qu'il était devenu grand et fort. "A présent, il faut que je construise ma propre morale. Il faut que je me trouve un père". Elle le félicita de sa nouvelle force et courage et malgré son chagrin, fut sincèrement heureuse de ce dénouement.

Mais, dans le village, ni tiers ni père en vue pour une juste et sereine séparation: ils devaient se débrouiller seuls.
Alors tout alla mal car les liens étaient encore forts et le garçon ne prenait garde à là où il coupait. Il se mit à trancher dans le vif, se moquant des plaies qu'il pouvait occasionner: il était pressé.
La femme ne le reconnut plus: lui, si doux d'ordinaire, devenait grossier et méprisant à son égard. Au lieu de vivre tout cela avec distance et humour,  un soir, elle craqua et se mit en colère.
Elle lui signifia qu'elle était déçue et lui lança des reproches. Le garçon se sentit projeté à nouveau dans son ancienne prison. Il la traita de sorcière et claqua définitivement la porte sur elle, cette même porte qu'elle lui avait ouverte un jour.

La femme, abasourdie, regretta sincèrement son geste et lui demanda pardon mais le garçon n'en voulut rien savoir. Son coeur semblait être devenu de pierre. En vrai, il se méfiait dorénavant de tout sentiment. Son visage avait changé et dans le village plus personne ne le reconnaissait: il était devenu dur et brutal et moqueur.
C'en était fini de son affabilité. Il dénigra publiquement celle qui l'avait accueilli, puis très vite se comporta de même avec tous les habitants du village qui l'avaient aussi nourri. Il cracha sur cette vie qu'il voulait quitter, cracha sur elle et sur les autres, insulta tout le monde et détruisit la maison qui l'avait, un temps, réconcilié avec lui-même.
Lorsqu'on lui demandait la raison de tout ceci, il répondait qu'il fallait qu'il protège sa liberté, qu'il ne voulait plus d'attache quelconque. Dorénavant, plus rien n'existait à ses yeux que lui-même. Il rompit tous les engagements pris et dansa de joie, ignorant la société des hommes.
Il se montra surtout de plus en plus cruel, mais toujours loin, plein de lâcheté, évitant soigneusement toute confrontation.
La femme supplia chacun des habitants de l'aider: le garçon se cherchait un père, il était en train de se perdre, ayant fait sauter toute limite, toute structure, il confondait tout, il lui fallait une Loi et une vraie reconnaissance. Elle-même était impuissante, à la place où elle était. Elle ne trouva personne parmi les hommes du village, car, découvra-t-elle, chacun d'eux avait eu son histoire secrète et douloureuse avec son propre garçon et aucun ne se sentait assez courageux ni désireux de jouer un tel rôle.
Les villageois, lâches, lui répondirent: "Laissons-le, ce n'est qu'un sot et un méchant, la vie se chargera de lui apprendre. Un jour, il se recevra un tel coup qu'il se mettra à réfléchir."

La femme alors retourna à sa maison, qui n'était plus qu'un gigantesque champ de ruines et pleura sur la lâcheté du monde et le gâchis de toute cette histoire.  Elle écrivit une lettre qu'elle ne lui envoya jamais car il n'aurait pu la comprendre: "La liberté que tu revendiques n'est accompagnée d'aucune autre valeur (la fraternité), elle n'est que tyrannie, la loi de celui qui impose la sienne: liberté absolue. Celle-la même que tu as rejetée un jour très lointain. Je t'en prie, pose-toi et entends-nous : tu n'es pas en danger et tu peux très bien partir dignement, en nous regardant en face. Nul besoin de fuir ni de "sauver ta peau" et de tout saccager, ni de transformer ton coeur en pierre.

Cependant, elle seule connaissait son histoire et touchée, continuait à lui pardonner tout: elle ne haussa jamais la voix, malgré la violence des paroles et coups qu'elle recevait. Elle souriait et encaissait bravement, mais les blessures furent de plus en plus nombreuses et lourd était le poids qu'elle s'obligeait à porter. Trop lourd. Un nuit, elle sombra d'épuisement et de folie et se comporta d'une manière si chaotique qu'elle fit le vide autour d'elle.
Ce ne fut qu'après de très longs mois de solitude qu'elle retrouva la force de se relever et de penser à elle-même. La première chose qu'elle fit fut de reconstruire sa maison et de lui redonner sa beauté d'antan. Puis petit à petit, elle put se remettre au travail et retrouva bientôt foi et confiance dans la vie et les hommes. Parfois, lorsque la douleur remontait, elle la chassait, souriante, en se disant qu'un jour, le garçon, devenu homme, finira bien par recouvrir la vue et revenir frapper au carreau pour la saluer et rire de tout cette histoire. Et puis, ne fallait-il pas qu'il traverse le monde, fasse ses propres expériences ? Ce n'était pas à elle de l'aider, non, surtout pas et il en était bien ainsi.

Quant au garçon, il quitta le village et s'en fut à la ville, et grâce à la lettre qu'elle lui avait donnée à son départ, vit s'ouvrir les portes de sa nouvelle demeure: celle du père qu'il s'était choisi.

La chute fut rude, mais il trouva ce qu'il était allé cherché: des regards sans complaisance, du réel, du corps, du tangible, du mesurable, du sérieux. Du "vrai", quoi. De la distance. Education à la dure...  L'exact opposé de ce qu'il avait goûté auparavant.
Il respecta ses nouveaux maîtres et les adula, comme il avait fait, un temps, avec sa mère adoptive.

Au jour d'aujourd'hui, son apprentissage n'est pas terminé. Personne n'a de nouvelles de lui. Mais des témoins racontent que ses nouveaux camarades se comportent en princes sûrs et imbus d'eux-mêmes et que dans le château, parmi les élèves, il y règne excellence et orgueil.
Mais la femme aime à croire (espérer ?) que tout ceci n'est qu'un détail et que ces choses-là glissent sur le garçon, si occupé à découvrir et vivre en profondeur un évènement de taille: l'apprentissage par le père. Et elle sait combien l'apprentissage sera long et que de nombreux pères devront se succéder avant que le garçon ne rencontre celui qu'il cherchait, celui qui devait lui transmettre la loi humaine: respect et amour de l'autre, "sa colonne vertébrale", comme il aimait le dire, avant qu'il ne se forme réellement à devenir homme.
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Ce conte reste inachevé.
L'apprentissage ayant tout juste commencé,  tout est encore possible - surtout dans un conte...

Je ne peux oublier

Ton désordre venu de ta prison,
Tu me l'as fait boire jusqu'à la lie
Et le visitant, je m'y suis perdue

Je n'aurais jamais du te suivre
Mais je ne pouvais oublier ta lumière
Et ta soif inextinguible de pureté

Je ne crois pas avec les autres
Que tu n'es qu'à oublier
Même si tout ce que tu fais
Leur donne raison

Et même si c'est cela
Qui te fait me maudire

Je ne peux oublier ta lumière
Et ta soif inextinguible de pureté

dimanche 11 novembre 2012

Fuir


Dans cette forteresse
Personne pour t'apprendre à partir
Personne il n'y avait personne
Sauf ces crochets couvercles
Serrures sombres et mains glacées.
Personne.

Comment dire au revoir,
Tu ne le sais pas
Mais à la place
Cours cours !
Jette jette !
L'autre
Loin très loin,
cet autre devenu l'Ennemi.

Bombes jetées
En arrière 
Sans regard pour qui saigne
Pour qui ne sait pas.
Pulvérisé, le bras tendu
Fracassée, la main qui te retient 
Pour un doux adieu.

Mots sauvages
Rire plein les dents
Pas de pitié
Pour les paysages détruits
Plus d'amour pour ceux que tu quittes

Rien que ta tête ta tête
Ta tête folle confondant le visage
De ceux que tu aimes
Avec celui de tes assassins

Plus de pitié
Plus de regard en arrière
Pour celui qui n'a jamais appris
Comment partir
Mais
Seulement fuir.

vendredi 12 octobre 2012

Comment

Comment fait-on
pour recoudre cette poche de foi
qui n'a cessé de fuir
et se répandre telle la mer
depuis maintenant si longtemps ?

Comment fait-on
lorsque, vidée de tout son sang
il faut
continuer à marcher
et sourire au matin ?

Comment fait-on
devant le silence de l'autre
et qu'aucune réponse
ne vient ?

Comment fait-on
pour croire encore
en l'Homme ?

Comment fait-on ?



mercredi 10 octobre 2012

Il fut un temps

Les armes pour te défendre
tu me les as toutes ôtées
une à une
et ne reste plus rien.

Sais-tu seulement
ce que tu as fait ?
Le monde à tes trousses.

Il fut un temps où
tu pouvais regarder dans les yeux
les mains ouvertes.


mercredi 5 septembre 2012

Orgueil et servilité


D'où tires-tu un tel orgueil ? 
de ton père qui jamais ne s'est excusé ?
de ta peur ?

Que de choses belles et profondes rates-tu 
souriantes comme la mer quand elle vient heurter notre visage

Que ne connais-tu la vraie humilité
celle qui nous fait recevoir avec le désir vrai de grandir 
et de goûter l'amitié de celui qu'on a violenté.

Si tu savais combien celle-ci peut être d'une telle chaleur 
toi si souvent à la recherche de douceur
"douillet" disais tu...

Que ne connais-tu la vraie humilité
et non point la servilité, 
oh celle-là comme j'ai pu la détester ! celle qui me hissait à un rang 
où je n'étais pas, où je ne voulais pas être
nous rêvant égaux et camarades.

Mais... j'étais "trop grande", disais-tu au moment de ton départ,
pour être, disais-tu,  ton "amie".

Oh pressentiment des jours sombres qui allaient suivre

Tu avais inventé de toutes pièces une idole et 
un beau jour, tu l'as brisée pour aller, sans doute, en construire
une autre ailleurs.

D'où tires-tu ton orgueil et comment le briser
sans te faire chuter dans la servilité ?




samedi 14 juillet 2012

L'ange



Les rêves tournoient au-dessus de la ville,
ne sachant où se poser.
La nuit, je questionne l'ange
devenu muet,
Et toujours
Recommencer insatiablement
le même geste
Avancer

vendredi 13 juillet 2012

Le cauchemar d'Ariane



THÉSÉE 
Je n'irai pas

ARIANE
Quoi ? mais hier à peine tu étais dans l'élan...

THÉSÉE 
Tout cela est arrivé trop vite

ARIANE
Je ne te reconnais plus

THÉSÉE
Je me suis vu tout à l'heure
Je suis creux, vide et insignifiant
Je vais dormir et ne veux plus entendre tout cela
Tu m'as raconté des bobards et m'as menti
Je ne t'ai jamais rêvé, c'est toi qui me rêvait.
Tu m'as ensorcelé et perdu
Ton fil n'est pas pour moi 
La peur est au bout 
Rien qu'un fil à réveiller mes démons

ARIANE
Ô homme ce fil est pur et beau 
Beau comme le premier jour où il s'est déplié
Te reconnaissant comme visage.
Il a la vigueur de tes doigts
Et étincelle comme tes yeux.
Je l'ai déroulé pour toi
Il a ta taille, déjà ton odeur
J'ai attendu tout ce temps 
Le fil ne ment pas
Pour moi tu es le frère, le fils et l'amant
Que je dois conduire

THÉSÉE
Tu délires

ARIANE
Non
Ceci est mon rêve 
Rien que du bon vieux rêve puissant à emporter
Tous les navires du monde
Les fils de l'homme.
Mon rêve vrai. 
Ne l'abandonne pas.
N'écoute pas la voix de la vérité
Elle a le costume du mensonge.
Elle n'est que chant à t'emporter
Dans la nuit de l'océan
Loin du vrai Thésée.
Le miroir de l'eau est trompeur
Il ne reflète que ce qui est
Et non ce qui viendra.
Ecoute -moi,
Si tu pars
Tu entreras dans la nuit des hommes qui sombrent
Tes yeux n'ont déjà plus de lumière
Tu te rapetisses
Ecoute-moi
Vois-moi
Ne m'oublie pas
Ne rentre pas dans cette nuit qui va te recouvrir
Qui me transformera, moi, en ombre
Et rendra mes formes lointaines, incompréhensibles.
Oh n'y rentre pas
Déjà tu t'éloignes
Et je ne suis plus que forme
Ombre mauvaise.
Tu as déjà oublié.
Si tu rentres dans cette nuit
Oh n'y rentre pas
Oh n'y rentre pas
Si tu rentres dans cette nuit
Tu me perds et tu te perds
Vois
Je ne suis plus qu'ombre
Ton ombre ton fantôme
La forme de ce qui te fait partir
Ta mémoire insupportable
Oh n'y rentre pas
Si j'agite la main tu ne verras que souffle mauvais
Si je souris tu ne verras que dévoration
Si je chante tu entendras possession
Vois
Ne rentre pas dans cette nuit noire
N'y rentre pas.
Nous sommes perdus
Tu as tout effacé et
Tout or a disparu
De nos doigts
Tout notre or
Tu l'as jeté
Tout notre or

THESÉE
Va-t-en sorcière

ARIANE
Je n'ai plus de fil

Naissance


Naissance

Accrocher le noyau secret de l'être. Le renverser sans bruit.
Epouser sa singularité et le lâcher dans le vide.
Le regarder advenir.

Pureté du premier geste. Le premier cri est un rire.
Ou plutôt un éclat de rire: "Encore !"

A nouveau, le jeu.
A nouveau la main tenue, puis lâchée.
A nouveau, être un puis deux.
Un et un.

"Encore !"

Beauté et mensonge


"Je me suis regardé et j’ai vu la vérité: je croyais faire de la beauté alors que je ne faisais que du moche."

LE MENSONGE EST LA CONDITION DU VRAI

Le doux mensonge: "y croire"...



RÊVE 
REPARTIR DU RÊVE ET DE LA BEAUTÉ
TROUVER UNE ISSUE - UN APRÈS
IL Y A DES TUEURS DE LA BEAUTÉ DES PAYSAGES
DES EXTERMINATEURS DE L'EXTÉRIEUR ET DES EXTERMINATEURS DE L'INTÉRIEUR
REMETTRE LE PAYSAGE A L ENDROIT
LUI ENLEVER SON CRACHAT RÉCENT
LUI RENDRE SON ÉCLAT PASSÉ ET FUTUR
REPARTIR DU RÊVE ET NON PAS DE CE MIROIR QUI NE CAPTE QUE L'IMAGE 
L'ART, LE RÊVE COMME SEULE RÉPONSE POSSIBLE, CE (LÉGER) MENSONGE QUI, SEUL, RENVOIE L'ÊTRE EN MOUVEMENT - LA PROMESSE DE LUI-MÊME: SON ÂME
RÉ-INVENTER UNE NOUVELLE HISTOIRE POSSIBLE LÀ OÙ QUELQU'UN A DÉCIDÉ D'Y METTRE UN POINT FINAL
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Les images - comme des pierres.

La Femme de Loth, transformée en statue, devenue Pierre vivante, par son désir impérieux de tout VOIR.
Son coeur devait être déjà sec, de pierre, pour n'avoir pas cru, imaginé l'histoire qu'on lui racontait. Assurément, aucun amour chez elle de l'autre, aucun emportement, aucune croyance.
Il a fallu qu'elle scrute, vérifie, examine, écarquille les yeux afin de prendre chaque parcelle de vérité, de n'en oublier aucune: voir la réalité telle qu'elle est. 
Plus d'un en est mort, arrêté dans son mouvement, la réalité n'étant jamais une, mais mouvante, contenant une part d'invisible incommensurable - toutes les promesses de son devenir. 
Vouloir tout VOIR transforme la chose vue en chose morte, objet perdu, vidé de son sens, forcément laid, imparfait puisque figé comme le papillon à qui on a troué les ailes et qui ne peut plus voler.



Des pierres,
ces images de soi
images du monde
elles 
elles
elles
elles nous figent 
envahissent nos cerveaux caillots 
arme secrète qui arrête tout flux
le mouvement est arrêté
menotté
les vaisseaux de la pensée, bouchés
pas d'issue
pas de secours
plus de temps
les images du monde dans la mer
des milliers d'images qui nous tombent dessus et nous rentrent dedans
des murs d'images de soi et du monde
les images c'est le monde c'est bien connu
son exact reflet 
Nous avons les moyens de refléter la réalité dans sa plus exacte exactitude
nous avons les moyens que vous n'avez pas
nos experts nos secrétaires nos économistes nos professeurs nos inspecteurs nos ministres nos chefs d'état ont la supériorité sur vous
Nous seuls avons les moyens de refléter la réalité
Votre réalité
personne d'autre n'a le pouvoir de fabriquer des images aussi nettes
ces images sont la vérité
les outils de demain, de votre devenir
Ces pierres
Je
elles
elles
elles
La réalité c'est nous qui te la donnons
Vois
Je
Regarde-toi
elles
elles
elles ont déjà envahi mon cerveau
mais vous avez les artères bouchées ma parole
il va falloir faire quelque chose
je
je
je voudrais tant ne plus être bombardé de la sorte
elles
les images 
les pierres
elles ont dressé des murs partout
fuir immobile paupières ouvertes
je voudrais tant me remettre à courir, comme ça, juste pour le simple plaisir de sentir le vent
me remettre à marcher sans m'arracher de mes secrets
juste histoire de voir le paysage défiler
Je voudrais tant m'endormir pour retrouver le bercement originaire,  le délicieux goût de l'apesanteur
je voudrais tellement
je voudrais
tellement
je
....
....

Suis-je la plus belle ô miroir ?
DIS MOI QUE JE SUIS BELLE
Où disparait la beauté quand elle n'est plus ?
Elle retourne à son point d'origine: le point de la montagne qui touche le ciel
Le rêve est ce diamant intact vers lequel il nous faut toujours revenir pour ne pas crouler sous les pierres


VISER TROP HAUT NOUS TERRIFIE


Pour L...


La sirène a retentit
Dans mes mains vides,
Coquillages inutiles.

La mer t'a repris, sombre
Et rancunière,
Effaçant jusqu'à ton nom,
Géant cormoran.

Par un éclatement des vaisseaux,
Tu t'en es allé rejoindre tous les tiens
Laissés loin derrière.

Gais étaient nos chants et nos murmures.

Jeté à la place,
Un poème
En mémoire de ton rire.

Sur ta veste, les étoiles continuent de briller

L'enfant qui cherche le ciel

L'enfant s'enfuit, court court
aussi loin qu'il peut
L'enfant qui cherche.
Le sol se dérobe, il saute
Ni semelles ni chaussures.
Dans sa course, ses membres s'allongent
l'enfant qui cherche le ciel
devenu homme tout à coup
trop vite.

Le paysage lui sourit
pas le temps pas le temps !
et quoi répondre ?
un tel sourire lui est étranger !

Quelqu'un ouvre sa porte
il rentrera en coup de vent
après s'être réchauffé
lui qui a toujours froid.
Le feu lui sourit la flamme le saisit

là où est son diamant.
Un temps
puis claque la porte claque claque
lame tranchante
Et court court aussi loin qu'il peut
L'enfant qui cherche le ciel.

Dedans quelqu'un saigne et crie
mais fermée à clé la porte
et la clé dans la poche
jamais rendue.

Court court l'enfant voleur
de maison en maison
de château en château
et jamais ne s'arrête
semant prisons et hurlements
partout dans le clair paysage.

L'enfant qui cherche le ciel.
Parcelles de nuit en son coeur
étoiles dans les yeux
sauts aveugles
L'enfant qui cherche son diamant

mercredi 4 juillet 2012

Pensées

PENSÉE INQUIÈTE

Cette nuit, subitement,
réveillée par une pensée:
si jamais j'allais partir
sans qu'il n'ait jamais levé
ses terribles accusations

Ni effacé les insultes et le mépris
envers ceux qui l'ont accueillis

L'irrationnel aura été alors
le seul diable dans cette histoire
le seul victorieux



PENSÉE BONNE

Prend tout ton temps,
oiseau blanc
Prend toute la mer
Et tous les fleuves du monde
et navigue à ta guise.

Pose toi sur chacune des branches,
les douces comme les amères
et goûte à chaque arbre.

Connais les orages
et les bleus purs des montagnes.
Connais les noirs précipices
et les souffles mystérieux des hommes

Visite la lumière flamboyante
et essaie chaque couronne

Prend tout ton temps,
oiseau blanc
Prend toute la mer et tous les fleuves du monde
et navigue à ta guise.

De très loin, me tiendrai,
je te le promets
hors de ta mémoire,
muette



PENSÉE NOIRE

Tombe et marche
là où tu m'as fait trébuchée
longuement et sans sens



PENSÉE PESANTE

Souviens-toi.



PENSÉE SECOURANTE

Pose-toi et va trouver
celui qui te dira le monde.
Ceux qui t'aiment
ne brandissent aucune arme.
Personne ne s'est inventé tout seul.
Apaise-toi et va trouver
celui qui te portera secours.
Celui-là existe et attend que tu le désignes.
Un maître. Un homme mûr.
Désigne-le

vendredi 15 juin 2012

Les Pères dévorateurs


Quand s'arrêtera-t-il le Temps des Pères 
Broyeurs d'enfants
Dieux dévoreurs Ouragan et Typhon 
riant aux désordres de leurs gestes infanticides.
Crocs en jambe fatals des Pères Bouchers
Cris noirs
Géographie folle
Balancés à bout de bras, les petits,
tête en bas
la main crochet comme seul repère 
afin de mieux leur faire goûter la mort.

Pris et repris sans trève
Enfants ingurgités à l'envers
dans la matrice paternelle.
Chaos, poison semence déposée dans chacun d'eux.
Montagnes noires
Balancés et retournés les petits 
Happés et rendus au secret
éternel
Cris dans le vide ventre des Ogres
Muets, langue jamais apprise
En guise de visage, le lieu de défécation 
et comme seul Ciel les dents rieuses
de l'Ouragan
Rejetés loin 
Très loin de tout amour
Jetés sans compassion au cachot.
Renversé, le monde.
Balancés à bout de bras, les petits,

L'amie est là qui pleure
bras tendus.
Il fait nuit.
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"La douleur de l'autre à ton endroit, jamais tu ne pourras l'entendre, la prenant toujours pour celle que l'autre t'a fait goûté, dans le passé, jusqu'au vomissement"

mardi 12 juin 2012

Lettre à P.



     Chère P.,

     De toutes les personnes que je connaisse, tu es la seule à avoir capté avec subtilité, profondeur et humanité l'intensité de l'ébranlement qu'a provoqué chez moi toute cette longue histoire douce-amère.

     Sans doute parce que les autres, ayant été partie prenante et ayant été violemment touchés (pourtant cent fois moins que moi...), je ne peux trouver d'écoute équivalente. Leur rejet étant total.
Chez toi, rien de tout cela: une sensibilité non pas seulement à l'humain mais à... l'âme. 
Un contact, une communion directe avec cet invisible qui porte, en même temps que l'amour, l'insondable menace qui guette celui qui veut s'en approcher.

     Ce goût pour la recherche incessante de ces profondeurs - recherche qui constitue, je crois, le seul sens de la vie - je pense que nous la partageons. Et pour moi, c'est à chaque fois un grand réconfort de la reconnaitre et de la palper chez l'autre - car je ne suis plus seule.
Le monde que nous traversons est si chaotique qu'il élimine cet Inouï primordial qui est à l'origine de chacune des naissances de l'homme: naissance à soi-même, perpétuel mouvement.
Chaque pas que nous faisons est induit par la puissance souterraine de ce long fleuve de vie et peu s'arrêtent pour en saisir la pulsation, écouter son appel.
Tu fais partie de ceux-là. En toi, en nous, nous pouvons nous reconnaitre hommes.
     La même puissance oeuvre dans l'amour comme dans les gestes les plus meurtriers: cela nous ne savons,  l'ayant expérimenté chacune dans nos corps. Et cela ne nous fait pas peur.

     Parfois je me dis que je peux disparaître d'un coup et partir et alors la peine est immense car, si je ne dis pas ces choses là à qui peut l'entendre, je serais alors partie dans une grande solitude.

     Toute vie connait des actes fondateurs et lorsque ça arrive, il y a un avant et un après, et plus rien n'est pareil: ce bouleversement a la puissance d'un volcan.
     Cette histoire avec celui que tu sais a cette puissance-là puisqu'un jour, assis face à moi, il a décidé de s'ouvrir et la chose qu'il a déposée, brûlante, entre mes mains, est précisément ce fleuve-là dont je parle. Le savait-il ? Je ne suis certes pas la première personne à qui il s'est ouvert, mais moi, je l'ai reçue de cette manière-là car je n'en ai pas d'autres. Son innocence, je l'ai respectée et me suis mise à genoux devant elle et n'ai eu de cesse à lui renvoyer la mienne. Lorsque la peur sans doute, mais saurais-je un jour ce qui s'est passé ? a pris le dessus, je suis restée à la même place, connectée à cette chose primordiale, humble, douce, patiente, me faisant tout entière mémoire de cette innocence première: qui aurait pu s'en souvenir ? lui-même ayant balayé tout cela d'un geste libérateur, selon ses propres mots.

     Il y a une vieille histoire juive qui raconte qu'un ange, lorsque le bébé sort du ventre, pose ses deux doigts sur la bouche et le menton de l'enfant, afin qu'il taise à jamais ce de quoi il est né.
Avec celui que tu sais, l'appel a été si fort, que la bouche s'est ouverte. Et nous avons touché le secret. Voilà pourquoi je lui disais: "... une histoire belle comme le commencement du monde"...

     Je ne sais pas pour lui, mais de mon côté, et depuis mon corps, voilà quelle a été notre histoire. Et si je disparaissais subitement, sans que nous nous soyons retrouvés, je voudrais que ce soit toi qui le lui transmette car alors je ne serais plus. Que tu lui fasses lire cette lettre et d'autres choses*, ces lettres et écrits que je ne lui ai jamais envoyés car il n'est plus là, en face pour les recevoir.     Ma demande peut te paraitre insensée mais, tu sais, j'ai toujours ces histoires de coeur, et je me dis: si ça m'arrivait ?

     Je suis proche des personnes que j'aime. Mes filles sont là et ma relation est vivante avec elles, mais lui, non, notre dialogue s'est arrêté un jour de la manière la plus absurde et insensée qui soit.

     Je ne sais pas si tu vas accepter, mais cela me serait d'un grand réconfort si tu disais oui.
     Je t'embrasse

* les docs qui l'accompagnent sur mon ordinateur et surtout ce blog même

vendredi 8 juin 2012

La Maison

Il était une fois, un enfant qui avait brûlé sa maison d'enfance et était parti pour ne plus être brulé.

Chaque maison qu'il rencontra, il la brûla: c'était elle ou lui.
Lorsque la maison était petite et douce, elle n'était jamais à son goût: pas assez puissante, pas assez brûlante.
Lorsque la maison était trop impérieuse, il ne s'en sentait pas digne et finissait par partir.
Un jour, il partit sur le chemin afin de s'en trouver une à sa mesure.

Il était une fois un enfant qui cherchait sa maison.

lundi 12 mars 2012

Préambule

Ce qui est tragique, c'est que de tout notre long et vrai et sincère échange, j'en tire une telle joie et un tel supplément de profondeur, de beauté, de vérité, de force que la douleur de ne pas pouvoir le partager avec toi n'en est que plus vive.

Mais c'est la vie qui le veut et je ne peux que l'accepter. Un jour viendra peut-être où cela sera et j'espère que ce jour ne sera pas aussi lointain car nous n'avons pas le même âge.

Et même si je n'étais plus là, par delà l'espace-temps qui te séparera de tout cela, j'espère que tu en auras accès et que tout à coup, tout s'éclairera.


Et que tu comprendras enfin pourquoi je n'ai pas cessé de te remercier.

vendredi 10 février 2012

L'appel à la vie


Le plateau: les histoires qu’on pouvait y raconter était comme l’unique radeau au milieu de l’océan.
Le théâtre c’était comme l’organe qui te manquait: ton poumon
Il y avait une telle soif, un tel appel.
L’appel était si puissant qu’on ne  pouvait qu’y répondre avec la même puissance.
Un appel tel que je me sentais « happée »: un appel inouï qui demandait un en retour un don inouï, total.
C’était « ça, la vraie vie ». 
Un appel qui touchait la chose au-dedans de soi qu’on n’avait jamais senti exister
Un tel appel qui ne pouvait que provoquer un « je suis présente ! »
Alors je t’ai couru après: « Eh toi ! je t’appelle »
Réveil des sens, naissance à soi: tel a été le début de ces aventures.
La découverte du plateau ? la force d’un cyclone.
Jamais rencontré une telle nécessité de faire du théâtre.
Ça ou crever. Il y avait un côté vertigineux: « aspirant » « happant »
Lequel des deux happe l’autre ?
Quelle qu’ait été l’épilogue de ces aventures, quel qu’ait été le regard qu’on pose sur tout ça, je sais qu’elles ont touché, remué l’endroit même qui -
Non. Ce n’est pas une projection, ce n’est pas du mental, ce n'est pas un rêve: c’est mon corps qui se souvient.

lundi 30 janvier 2012

Blessure

Ce matin, elle s'aperçoit que la blessure est toujours là, intacte.
Est-ce la douleur d'avoir été détruite par l'ami ?
Ou bien cette violence lointaine - contre elle, qui lui est revenue en boomerang, comme une mauvaise farce ?
Ce matin, plus confiance dans le monde: elle n'y croit plus.

Lorsque l'autre vous a abusé par sa violence, lorsque l'autre a pirouetté et rit devant vos cris, s'est délivré (et s'est soulagé) de cette part noire qu'il porte en lui - en vous donnant des coups, en usant de despotisme, comment reconstruire cette foi en l'Inconnu, comment remettre le désir en route de l'Inconnu - source unique d'avenir et de futur ?
Oui, elle avait sombré sûrement dans une dépression cette année.
Ce matin, au réveil, elle le découvrit.

Sentiment d'injustice et d'impuissance car l'autre n'entendait rien, sûr et encore dans son ancienne prison, sans le voir.  Le pardon, accordé à plusieurs reprises sans qu'il le soit demandé, n'était-ce pas cela qui l'avait rongée ?
Mais la situation était si incroyable et si insensée qu'elle s'attendait souvent à le voir surgir, une fleur à la main, et s'excuser de tant de méprise. Mais cette chose ne venait toujours pas et les mois passaient...

Savait-il la violence qu'il avait exercée, en était-il conscient ? Si oui, alors pourquoi ce silence ?
Etait-il devenu insensible et dur ? Violent ? Manipulateur ?
Si non, comment le lui faire entendre ? Elle avait pourtant maintes fois essayer, mais à chaque fois, il avait retourné ses paroles contre elle, la désignant comme une sorcière. Mot terrible.
Comment agir devant pareille folie ?

Ne valait-il pas mieux agir comme les autres l'avaient fait ? L'insulter et s'en détourner ?
Il avait accepté cela des autres. Cela ne lui avait causé aucune apparente violence ni douleur en lui.
Mais elle l'avait fait une fois et ceci avait été justement la cause de son actuelle sauvagerie.
Elle savait combien le jugement pouvait l'atteindre et reculer la libération qu'il cherchait. C'est pourquoi elle lui permit de l'insulter, elle, en le pardonnant à chaque fois.

Cet acte répété des mois et des mois avait finit par la briser.
Car le fait qu'elle se montra compréhensive n'arrêta ni la violence des coups, ni l'inconscience ou la mauvaise foi qu'il avait. Et il fallait se faire une sacrée violence pour continuer à prendre sur soi et pardonner encore et encore - à chaque fois... toute seule.
Sans que l'autre ne demande rien.

Ce matin, elle se posa la question du bien-fondé de son pardon.
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Lui revint, à nouveau, l'enfer dont il était sorti - ou plutôt l'enfer dont il essayait de se libérer et se dit qu'il fallait qu'elle puise encore de la force pour encore et encore prendre sur elle.

jeudi 26 janvier 2012

Mots jamais envoyés

Nous n'avons pas fait tout ce chemin pour en arriver là
Mensonge reçu
La parole ne nomme pas, elle appelle